“Fier d’être un gay, fier d’être un visiteur gay dans un pays fier
d’être Israël”. Aussi simplette semble-t-elle, la formule Lave Plus Rose
cartonne, surtout quand la baise est mémorable. Ensuite, de réseau en
réseau, dans leur sphère publique comme dans leur cercle d’amis, les
gays de retour de Tel Aviv ne tarissent pas d’éloge sur leur séjour, et
contribuent à remplir les charters de touristes homonationalistes
émoustillés d’avance. […] Cerise sur le gâteau, Israël fait de sa
politique ultrasécuritaire un joker. Pour jouir en toute quiétude, les
gays d’aujourd’hui saluent la “sécurité” du pays ; comme ceux qui
draguaient autrefois au Maroc ou en Tunisie cherchaient la “discrétion”.
C’est le grand succès du pinkwashing : le séjour ludique à Tel Aviv
prend le ton d’un pèlerinage politique.
Dans cette enquête inédite et à contre-courant, Jean Stern démonte une
stratégie marketing et politique orchestrée par l’État israélien – le
pinkwashing – qui consiste à camoufler la guerre, l’occupation, le
conservatisme religieux et l’homophobie derrière le paravent sea, sex
and fun d’une plaisante cité balnéaire, Tel Aviv. De Tsahal, armée
affichée « gay-friendly », au cinéma – porno ou branché – empreint
d’orientalisme, en passant par la frénésie nataliste chez les gays via
la gestation pour autrui, l’auteur raconte l’envers du décor d’un
rouleau compresseur. Ce « mirage rose » est décrié par les homosexuels
palestiniens et les militants radicaux LGBT israéliens, juifs comme
arabes.