Objet Orienté Objet est une performance sur dispositifs analogiques où trois platines et un ensemble de projecteurs sont manipulés en direct, pour produire des sons et des images à partir d’objets. Sur les platines, munies d’un laser qui fonctionne comme une tête de lecture et dont le signal est interprété par un synthétiseur modulaire, sont joués des objets.
Les instruments sont pensés pour y mettre les mains, les actions sont simples, les processus de jeu sont lisibles. Tout est à vue, la complexité visuelle et sonore émerge des objets et du jeu qui en est fait. Il s’opère comme une transmutation dont l’équation générale est celle-ci : la matière, prise dans une cinétique régulière, produit du temps et de l’espace.
—
Ouverture des portes à 19h30 (pour boire et manger)
Performance à 20h30
—
Nourris par les œuvres d’expanded cinema et l’art minimal des années 1960, et collaborant depuis une vingtaine d’années, Julien Clauss et Olivier Perriquet ont progressivement rendu poreuses leurs pratiques du son et de l’image, le premier étant appréhendé dans ses dimensions spatiales, le second pour ses qualités musicales. Poursuivant ce qui les touche dans les pratiques audio-visuelles des années 60 – le rapport direct au média, la simplicité apparente du résultat, le contraste entre la limpidité d’une situation ou d’un dispositif et l’émotion qu’il éveille – et baissant le « niveau de bruit » dans l’intelligibilité de leurs instruments et de leurs actions, les petites variations, les micro-modulations, et en définitive chacun de leurs choix deviennent apparents et importants. Les machines sont pensées pour y mettre les mains, c’est en ce sens qu’elles prennent à leurs yeux la fonction d’un instrument.
Dans des collaborations précédentes, leur référent commun était celui de la musique sur support, où les instruments étaient conçus pour lire des informations enregistrées (des samples, des films) et les jouer en les agençant par différents principes de filtrage, superposition, masquage, déformation etc.
Objet Orienté Objet se situe dans un « avant le cinéma », au moment historique où le cinéma n’est pas encore devenu une industrie, où le projecteur, la salle de cinéma, le rituel qui accompagne chaque projection, ne se sont pas encore standardisés en une forme niant l’espace car devenue banale et toujours identique. Travaillant au contraire en amont de la production de ces supports, Objet Orienté Objet fait disparaitre le principe même d’un enregistrement préalable à une diffusion. Les sources de lumière, mobiles, remplacent la caméra et produisent une image dont la diffusion est immédiate, faisant coïncider tout à la fois la caméra, le projecteur et l’espace de projection, d’une part, et le tournage et la projection d’autre part.
Des sources de lumière ponctuelles, de différentes puissances, omni-directionnelles ou focalisées, statiques ou mobiles, sont jouées simultanément, et révèlent les objets en les faisant exister à la taille de l’espace.
Partant d’objets dont les attributs (la couleur, la forme, la géométrie…) peuvent être immédiatement déchiffrés avec les yeux, c’est leur mise en mouvement qui fait naître une temporalité, un rythme. Ce rythme leur est externe, les objets n’en sont pas la source mais le butoir, la résistance, et confrontent de ce fait les phénomènes sonores et visuels qu’ils engendrent à la matérialité visible de leur présence. Les instruments qui génèrent le son et l’image sont à vue dès le départ et tout au long de la performance et les processus mis en jeu sont lisibles : tout est intelligible, décomposable par l’esprit, il se produit comme une arithmétique visuelle et sonore dont la complexité n’est ni un ajout, ni le résultat d’un processus qui serait caché dans les arcanes d’une « boite noire » mais émerge simplement des interférences entre des processus élémentaires, qui sont préalablement exposés au public. Celui-ci se retrouve au cœur du dispositif, partie intégrante de la projection.